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Sempiternel conflit entre liberté d’expression et droit à la vie privée

  • Marine DELIGHAZARIAN
  • 15 oct. 2018
  • 3 min de lecture

Aux termes de l’article 9 du Code civil, « Chacun a droit au respect de sa vie privée ».


L’article 8 de la Convention de Sauvegarde des droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (CESDH) développe quant à lui cet énoncé concis :

« Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »


Ainsi, chacun a, sur le fondement de ces articles, le droit de s'opposer à la reproduction de son image ou la diffusion de tout commentaire relatif à sa vie privée.


L’atteinte alléguée au droit au respect de la vie privée est toutefois appréciée par les juges en considération des autres intérêts en présence, au travers d’une mise en balance des droits.


Une telle démarche est employée lorsque le droit au respect de la vie privée entre en conflit avec la liberté d’expression (article 10 de la CESDH), ces droits revêtant une même valeur normative.


En avril 2014, le secrétaire général du Front national assignait la société d’édition Jacob DUVERNET aux fins d’obtenir réparation de l’atteinte à sa vie privée résultant de la révélation, dans l’un de leurs ouvrages, de son homosexualité.


En réponse, l'éditeur justifiait les précisions relatives à cette relation homosexuelle par le fait qu'elle expliquerait la retenue du Front national lors du débat sur le « mariage pour tous », et relevaient donc d'un débat d'intérêt général.


Il résulte en effet de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme que se rapportent à un débat d’intérêt général les questions qui touchent le public dans la mesure où il peut légitimement s’y intéresser ; tel est également le cas des questions qui sont susceptibles de créer une forte controverse, qui portent sur un thème social important ou encore qui ont trait à un problème dont le public aurait intérêt à être informé.


Le tribunal de grande instance, suivi par la cour d’appel de Paris le 24 mai 2017, considérèrent toutefois que la révélation de l’homosexualité du secrétaire général n’était « pas justifiée par le droit à l’information légitime du public, ni proportionnée à la gravité de l’atteinte portée à la sphère la plus intime de sa vie privée », et l’éditeur fut condamné.


La Cour de cassation en jugea autrement, le 11 juillet dernier.


Celle-ci considéra en effet que « si toute personne, quels que soient son rang, sa naissance, sa fortune, ses fonctions présentes ou à venir, a droit au respect de sa vie privée, le fait d’exercer une fonction publique ou de prétendre à un rôle politique expose nécessairement à l’attention du public, y compris dans des domaines relevant de la vie privée, de sorte que certains actes privés de personnes publiques peuvent ne pas être considérés comme tels, en raison de l’impact qu’ils peuvent avoir, eu égard au rôle de ces personnes sur la scène politique ou sociale et de l’intérêt que le public peut avoir, en conséquence, à en prendre connaissance ».


L’auteur de l’ouvrage litigieux s’interrogeant sur les motifs de l’évolution du Front National, s’agissant notamment de son positionnement dans le débat relatif au mariage des personnes de même sexe, et plus généralement de la lutte contre l’homophobie, l’orientation sexuelle de plusieurs de ses membres dirigeants relevait alors d’un débat d’intérêt général.


L’arrêt de la cour d’appel de Paris du 31 mai 2017 était ainsi cassé, et les parties renvoyées devant la Cour d’appel de Versailles.


La Cour de cassation a par conséquent en l'espèce, et de manière assez inattendue, fait prévaloir la liberté d’expression sur le droit au respect de la vie privée, écartant le droit au secret de l’orientation sexuelle pour les hommes et les femmes politiques.


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